Pour ce Carré de rentrée, le 10 septembre 2025, c’est Bernard Jimenez, passionné par les voyages de Lapérouse et les expéditions en général qui nous fait le récit du « raid de la Baie d’Hudson » effectué par Lapérouse en 1782. Curieux de mieux connaître cet épisode, il s’est rendu sur les lieux au cours de l’été 2024 pour trouver des traces de cette expédition tout en s’appuyant sur le récit qu’en fait Alain Barrès dans son ouvrage « La Pérouse et ses compagnons dans la Baie d’Hudson ».

La baie fut découverte en 1610 par Hudson et les Anglais s’y installèrent. Or, en 1782 nous sommes en plein dans la guerre d’Indépendance des Etats-Unis pendant laquelle les Français aidèrent les « Insurgents ».

Le 31 mai 1782, Lapérouse quitte donc Saint Domingue à destination de la Baie d’Hudson. Il commande « Le Sceptre », équipé de 74 canons, avec 250 soldats en plus de l’équipage. Il est accompagné de deux frégates de 36 canons : « L’Astrée », commandée par Fleury de Langle et « L’Engageante » avec le lieutenant de vaisseau de la Jaille. L’expédition est périlleuse en raison de la présence d’icebergs mais aussi de glaces, de brouillard avec des tempêtes, de courants et pour couronner le tout de mauvaises cartes.

Cette opération militaire de la guerre d’Indépendance américaine a pour but d’affaiblir les fortins de la Compagnie britannique de la Baie d’Hudson. En détruisant par surprise les forts « Le Prince de Galles » à l’embouchure du fleuve Churchill et le fort d’« York » à l’embouchure du fleuve Nelson, Lapérouse gêne fortement le commerce des fourrures qui fournissait de forts revenus à la couronne britannique aidant ainsi à financer la guerre.

« Le Prince de Galles, commandé par Samuel Hearne, se rend le 8 août sans qu’un coup de feu n’ait été tiré. Le gouverneur avait bien jugé le déséquilibre des forces car il n’y avait que 39 hommes dans le fort, 80 avec les Amérindiens. Le fort d’« York », attaqué par le major Rostaing est plus difficile d’accès à cause de marécages. On débarque avec canots et chaloupes et c’est Monneron qui négocie la reddition. Elle est effective le 24 août.

Les forts sont détruits et les fourrures saisies. Quant aux Anglais, ils sont faits prisonniers mais il n’y a aucun mort et ils feront plus tard l’objet d’un échange. Certes ce fut la guerre en dentelles comme l’a rappelé Michel Laffon mais il ne faut pas minimiser l’exploit de Lapérouse : c’était un départ vers l’inconnu, il a navigué sans se faire repérer par les Anglais, affronté les conditions affreuses de navigation ; bref, il a parfaitement réussi un raid surprise. De plus son attitude humaine envers l’ennemi assoit sa réputation d’« honnête homme » au sens de l’esprit des Lumières.

Un épisode renforce ce trait de caractère. Samuel Hearne avait exploré le grand nord canadien et avait décrit les mœurs des esquimaux dans son journal. Lapérouse le lui laisse à condition qu’il publie ce journal. C’est ce qu’il fera, rentré en Angleterre et il exprimera sa reconnaissance envers Lapérouse.

Bernard a donc vu les ruines du fort « Prince de Galles ». Il a fait l’objet de quelques restaurations et est aujourd’hui parc national. On peut y voir un cadran solaire octogonal de 1769 resté sur place. 42 canons sont également toujours là : ils n’ont pas bougé depuis 250 ans. Pour s’y rendre il faut prendre un avion à Winnipeg (1000 km) ou bien faire 49 heures de train jusqu’à Churchill. Bernard avait choisi l’avion à l’aller et le train au retour.

Ce raid réussi avait donc démontré les capacités de Lapérouse à naviguer dans l’inconnu, son habileté militaire mais aussi ses qualités humaines. Nous ne doutons pas qu’il a fortement contribué au choix de Lapérouse par le roi pour la grande expédition autour du monde.

Un grand merci donc à notre conférencier qui nous a fait une fois de plus naviguer avec notre explorateur albigeois.

Gisèle