Décidément, ce carré de l’équipage était bien singulier en ce mercredi 28 mai. Tout l’équipage avait en effet quitté le navire pour un déplacement on ne peut plus terrestre ; bref, la destination justifiait cette irrégularité : nous allions visiter le château de Saint-Géry.
Pourquoi cette visite ? Il se trouve que la comtesse de Saint-Géry avait été une des rares parmi l’aristocratie locale à bien accueillir Éléonore, et Lapérouse entretenait avec la famille des rapports des plus cordiaux et réguliers. Aussi, à la veille de son départ pour son expédition, il a écrit à la comtesse une lettre qui a été conservée au château. Son fac-similé est visible sous verre ainsi qu’une des rares médailles (celle-ci en argent) éditées pour commémorer l’événement et distribuées à un nombre réduit de personnalités dont le roi. Transcription intégrale de la lettre.
Son intérêt historique est incontestable car elle est datée du 11 juin 1785, au moment où Lapérouse a présenté savants et artistes au Maréchal de Castries ministre de la Marine. Mais Bernard, qui nous a lu la lettre, a bien souligné qu’elle contient également toute la philosophie humaniste de Lapérouse. Nous avons eu la preuve que l’esprit de l’expédition n’était pas imposé à Lapérouse mais qu’il en était pleinement habité et que le choix de Louis XVI était tout à fait judicieux.
Chaleureusement accueillis par la famille O ‘Byrne, nous avons tout d’abord été reçus dans la salle à manger bleue pour le petit déjeuner. Cette pièce réaménagée au XVIIIème siècle est décorée avec des sujets, musiciennes et danseuses, du style « Wedgwood » inspiré des fresques de Pompéi. La famille O ’Byrne, originaire d’Irlande, est propriétaire du château depuis 1829 par mariage avec la famille de Rey, des conseillers au Parlement de Toulouse dont la fortune avait permis la transformation, les agrandissements et l’embellissement du château primitif.
Les divers membres de la famille ont effectué pour nous une visite historique et anecdotique où les explications nous venaient en stéréo ou comme dans une cantate à plusieurs voix. En résumé, au XIIIème siècle, les seigneurs de Rabastens construisent dans un méandre du Tarn un château-fort destiné également au péage sur la rivière. De nos jours trois corps de logis entourent une cour centrale. Au rez-de -chaussée, la cuisine est du XIIIème siècle et diverses pièces de vie se succèdent. A l’étage, une vaste galerie en L, ornée de tableaux de famille, dessert diverses chambres au riche mobilier d’époque dont l’une accueillit Richelieu le 27août 1629 alors qu’il venait régler le sort de Montauban, place protestante (une lettre de remerciement en témoigne).
Belle surprise pour finir : dans la grande chapelle, nous découvrons une immense « Assomption de la Vierge » par Joseph Benoît Suvée, rival de David, reconnue en 2016 seulement par le Conservateur du musée du Louvre qui en possédait les dessins préparatoires et ignorait où était le tableau. Ceux qui avaient encore du temps ont pu profiter du parc avec ses arbres tricentenaires et son orangerie du XVIIIème.
Encore un « Carré de l’Équipage » passionnant. Merci aux organisateurs et à la famille O’Byrne pour son accueil aussi sympathique qu’original.
Gisèle et Alain